Alpes vaudoises

EN BREF

L’actualité des Alpes vaudoises

EN BREF

DÉCOUVRIR

Voyage au cœur des alpes vaudoises

DÉCOUVRIR

RENCONTRER

L’Étivaz

RENCONTRER

ADMIRER

Le portfolio

ADMIRER

RACONTER

Bollywood glacier

RACONTER

EXPLORER

Vingt façons de déguster les Alpes vaudoises

EXPLORER

SAVOURER

Les délices du terroir

SAVOURER

BOIRE UN VERRE

Nos bonnes adresses

BOIRE UN VERRE

SE RESTAURER

Nos bonnes adresses

SE RESTAURER

DORMIR

Nos bonnes adresses

DORMIR

MANIFESTATIONS

Calendrier des principales manifestations

MANIFESTATIONS

DÉCOUVRIR

VOYAGE AU CŒUR DES ALPES VAUDOISES


Villars, Leysin, les Diablerets, le Pays-d’Enhaut: vues de l’extérieur, les Alpes vaudoises apparaissent comme un ensemble plutôt disparate. Et de l’intérieur, à quoi ressemblent-elles?

Pour mieux saisir ce qui les anime et les lie, nous sommes allés à la rencontre de personnalités locales qui font rayonner ces communautés alpines, désormais prêtes à s’unir pour assurer leur avenir.

Dans la lumière du petit matin, Aigle est royale. Couronnée par les sommets qui la dominent, la ville bruit déjà de l’agitation des lève-tôt. Et la place de la Gare donne le tournis. Par où commencer notre grande traversée? Un train pour Leysin. Un autre pour Le Sépey – Les Diablerets. Et un bus pour Villars. Ce dernier s’apprête à démarrer, c’est lui que nous choisissons. Et nous voilà partis, sillonnant déjà les vignobles d’Ollon. Peu à peu, les capites de vigneron laissent place aux chalets, toujours plus nombreux à l’approche de la station. Dans le car, les conversations s’animent. Aucune pointe d’accent vaudois: ce matin-là, des jeunes y parlent anglais, allemand, chinois. Ils regagnent l’une des écoles internationales de Villars. La station en compte quatre et loge près de 700 étudiants venus du monde entier. Aux bâtiments cossus de l’Aiglon College et de Beau-Soleil succèdent les boutiques chics de l’avenue Centrale. Pour la déco, l’esprit montagne est de mise, alliant le moderne à l’ancien. Comme à l’Office du tourisme, d’ailleurs, où le bois vieilli et les affiches d’antan voisinent avec les offres du jour, défilant sur grand écran. On y a rendez-vous avec Sergei Aschwanden, directeur de la Porte des Alpes. Nul besoin de frapper à cette porte-là: seul un rideau sépare l’espace d’accueil de son bureau. Poignée de main de sportif. À la tête de l’association touristique regroupant Bex, Villars, Gryon et Les Diablerets, l’ancien judoka est tout sourire. La saison d’hiver a été belle. Celle d’été s’annonce prometteuse. Au nouveau centre thermal, inauguré il y a tout juste un an, s’ajoutent d’autres projets de développement et de rénovation liés aux sports et loisirs. «Ce qui réunit les différentes stations des Alpes vaudoises? Le tourisme!, s’enthousiasme d’emblée le directeur. Cela fait cent cinquante ans que ces villages sont des lieux de villégiature, et nous faisons tout pour que cela dure.» À l’ère de la mondialisation, les attentes des visiteurs sont désormais plus globales qu’auparavant. «Vu de l’étranger, c’est davantage une région qu’une seule destination qui va les attirer. Il faut bien sûr promouvoir la diversité des atouts de chaque station, mais aussi et surtout le massif dans son ensemble. Et pour cela, nous misons beaucoup sur le numérique.

Sergei Aschwanden

Maintes fois médaillé en judo – notamment aux Jeux olympiques de Pékin en 2008 –, Sergei Aschwanden a ensuite entamé une carrière en politique ainsi que dans le tourisme. Âgé de 43 ans, il est député PLR au Grand Conseil vaudois. Directeur de la station de Villars depuis 2016, il est également à la tête de la Porte des Alpes, association touristique englobant Villars, Gryon, Les Diablerets et Bex, et membre de la Communauté d’intérêt touristique des Alpes vaudoises (CITAV).

UNE SAISON À L’ALPAGE

La mondialisation aurait-elle gagné jusqu’au col de la Croix, qui surplombe Villars et Les Diablerets, à 1750 mètres d’altitude? L’idée amuse Pascal Jourdain. «Mais on en est encore loin!», ajoute-t-il en riant. Exploitant l’alpage du col avec sa famille, il n’en reçoit pas moins chaque été des journalistes venus des quatre coins du monde, invités par l’Office du tourisme de Villars. «La fabrication du fromage à l’ancienne, au feu de bois, ils adorent ça», poursuit l’agriculteur. En précisant toutefois que ce folklore-là, s’il comble les citadins et les médias, ne fait guère bouillir sa marmite. Sous peu, les pâturages près du grand chalet vont accueillir une soixantaine de vaches red holsteins et quelques grises. Leur lait est destiné à la production de l’étivaz AOP, à raison d’une trentaine de meules par semaine. «Cette filière de haute qualité nous permet de tenir, le prix du lait de plaine que nous livrons à l’industrie l’hiver n’étant plus rentable», relève Pascal Jourdain. Quant à la clientèle qui, dès l’inalpe, monte à la buvette, elle est essentiellement constituée d’habitués friands de sérac, tomme, crème double ou salaisons faites maison. Sans parler du beurre, qui suscite un incroyable engouement: «Certains viennent même du Valais en acheter jusqu’à 40 plaques d’un coup», raconte le fromager, impatient de voir le mois de juin arriver pour retrouver la fraîcheur des cimes et les contacts chaleureux avec les «copains alpagistes». Lieu de passage, le col fait aussi le lien entre les producteurs de la région, fiers d’incarner un monde paysan qui a forgé l’histoire autant que les paysages des Alpes vaudoises.

Pascal Jourdain

Originaire de Montbéliard, dans le Doubs français, Pascal Jourdain (60 ans) y a obtenu un brevet de technicien agricole avant de venir travailler dans le Chablais.  C’est là qu’il a rencontré Christiane Mottier, fille de paysans, qui deviendra son épouse en 1981. Ils ont deux fils,  aujourd’hui adultes. En association avec son beau-frère, Pascal Jourdain a repris le domaine familial à Saint-Triphon, ainsi que l’exploitation de l’alpage du col de la Croix en été. Il siège au Conseil communal d’Ollon depuis vingt-cinq ans et fait partie de la fanfare villageoise depuis trente-cinq ans.

VITRINE DU TERROIR

Quant aux produits de l’agriculture et de l’artisanat locaux, longtemps restés l’apanage des connaisseurs, ils font plus que jamais recette auprès du grand public. En témoigne, à la gare des Diablerets, le pimpant Guichet du terroir. Le bus qui, à la belle saison, relie Villars à Ormont-Dessus par la route du col, nous y dépose à la mi-journée. À l’intérieur, les délices du cru, proposés à l’emporter, affolent les papilles. Soupes, tartes et vinaigrette maison, salée ormonanche, tisanes de La Comballaz, chocolats de Leysin, fromage du col de la Croix, vins d’Ollon et bières artisanales des Diablerets: «Le plus exotique qu’on ait, c’est de l’Henniez», plaisantent Catherine Sthioul-Cossy et Françoise Dutoit, qui ont fondé cette petite échoppe gourmande il y a un an. Toujours plus rassembleur, le terroir s’affirme désormais comme une valeur sûre en montagne aussi. «Il y a une trentaine d’années, c’était un peu tendu par ici entre le monde paysan et le pôle touristique. Aujourd’hui, le village étant devenu moins agricole, ce secteur est le plus grand pourvoyeur d’emplois. Mais plusieurs jeunes ont repris, dernièrement, des exploitations dans la vallée, proposant des produits originaux et de qualité qui valent vraiment le détour», se réjouit Catherine Sthioul-Cossy. Si les deux associées ont d’abord dû démarcher ici et là, leur boutique a rapidement séduit les producteurs, qui y voient une vitrine de choix pour leurs spécialités. «Notre guichet est un vrai carrefour où se croisent tourisme et agriculture. L’un profite à l’autre et inversement, tout cela dans une même perspective d’avenir: celle de la durabilité», ajoute Françoise Dutoit.

Françoise Dutoit et Catherine Sthioul-Cossy

Municipale du tourisme puis de la durabilité à Ormont-Dessus jusqu’en février 2018, Françoise Dutoit (58 ans, à gauche sur la photo) a une formation de libraire et bibliothécaire. Venant depuis toute petite en villégiature aux Diablerets avec ses parents, cette Lausannoise s’y installe avec son mari en 1985. Tout en élevant ses trois enfants, elle a travaillé comme secrétaire dans plusieurs hôtels locaux et fonctionne depuis 1994 comme assesseur de justice de paix pour le district d’Aigle.
Fille de vigneron de Chardonne, en Lavaux, Catherine Sthioul-Cossy (à droite) a toujours été très attachée aux Diablerets, où elle montait, enfant, en vacances avec ses parents. Après avoir travaillé dans l’hôtellerie et la restauration sur la Riviera, elle achète avec son mari un chalet à Vers-l’Église, le Madrier, pour en faire le premier bed&breakfast de la région. À 60 ans, elle se lance dans l’aventure du Guichet du terroir.

L’UNION FAIT LA FORCE

Sur le quai, le petit train vert siffle. On embarque, non sans avoir jeté un dernier coup d’œil au massif des Diablerets, point culminant de ces Alpes vaudoises. Suivant le flux parfois tumultueux de la Grande-Eau, nous voilà au Sépey, d’où un bus rallie ensuite Leysin. L’architecture particulière du village, où se mêlent chalets anciens et grandes bâtisses dotées de façades en loggias, reflète son passé médical. De 1890 à 1950, il a compté jusqu’à 80 sanatoriums destinés à soigner, par une cure de soleil et d’air pur, les patients atteints de tuberculose. Depuis, ces imposants édifices ont été reconvertis en établissements hôteliers et accueillent plusieurs écoles internationales. À la Maison de commune, le syndic Jean-Marc Udriot nous attend. «De par son histoire, Leysin est très ouvert sur le monde. Plus de cent nationalités s’y côtoient», relève-t-il. La géographie du lieu, en cul-de-sac, explique peut-être aussi ses liens privilégiés avec la plaine et bien au-delà. «Chercher des alliances à l’extérieur est indispensable, mais sans pour autant négliger l’identité et les intérêts locaux: seule cette double dynamique permettra d’assurer le développement socio-économique de notre commune, mais aussi de toute la région», insiste Jean-Marc Udriot. Président de la Communauté d’intérêt touristique des Alpes vaudoises (CITAV), il sait quels défis attendent les stations alpines du canton pour rester viables et attractives. Renforcer la mobilité entre elles, diversifier l’offre d’hébergement, trouver des solutions face au manque de neige, élargir la palette d’activités aux quatre saisons et miser sur les forces complémentaires de chacune des destinations: «Ce n’est qu’à la condition d’une stratégie commune et cohérente que l’État continuera de soutenir financièrement nos projets.» L’enjeu est de taille, au vu du caractère plutôt bien trempé des montagnards. Mais pour le syndic leysenoud, la volonté de tirer à la même corde dépasse désormais les querelles de clocher. «Cette vision d’avenir partagée, c’est une nouvelle force qui nous unit», sourit-il alors que retentit la sonnerie de l’école voisine. Les enfants sortent en courant dans le préau. C’est l’heure de la récré, et celle aussi de poursuivre notre route vers le col des Mosses.

Jean-Marc Udriot

Syndic de Leysin depuis 2006, Jean-Marc Udriot (54 ans) est originaire de Choëx, dans le Chablais valaisan. Cuisinier de formation, diplômé de l’École hôtelière de Genève, il a également le grade de lieutenant-colonel à l’armée. Après plusieurs années passées à l’étranger, il s’installe en 1988 à Leysin, où il dirige divers hôtels. Depuis 2011, il est à la tête de la société de remontées mécaniques Télé Leysin-Les Mosses –  La Lécherette SA et préside la Communauté d’intérêt touristique des Alpes vaudoises (CITAV).

MÉMOIRE PAYSANNE

Encore parsemés de taches de neige, les haut-marais reprennent vie. Au milieu des pâturages de l’Arsat, constellés de crocus violets et blancs, le chalet de Denyse Raymond fait partie du patrimoine local. Bâti en 1721, il témoigne du mode de vie ancestral et agricole qui a prévalu ici jusqu’au milieu du siècle dernier. La propriétaire des lieux y est née et y passe désormais sa retraite, après un parcours professionnel consacré à l’étude des bâtiments historiques ruraux du canton de Vaud. Assis sur la galerie, les deux chats Nouni et Nounet nous précèdent dans la cuisine, tout humble et ancienne. «Vous voyez, on clame partout qu’il faut sortir de la société de consommation. Rien de plus facile pour moi: je n’y suis jamais entrée», plaisante l’historienne de l’art. Son origine modeste et ses racines paysannes, elle en parle comme d’une richesse. Une identité forte, source de solidarité entre les gens de la vallée des Ormonts et du Pays-­d’Enhaut. «Autrefois, les familles d’ici possédaient plusieurs chalets, à différentes altitudes, et remuaient de l’un à l’autre en fonction de la saison et du fourrage à disposition. Cela créait des liens. Aujourd’hui, il n’y a plus beaucoup de paysans en activité aux Mosses et ce qu’on cherche à relier, ce sont plutôt les téléskis! Mais l’entraide demeure.» Et elle a sans doute été d’autant plus marquée ici que la plaine est longtemps restée peu accessible. L’ouverture de la route, au milieu du XIXe siècle, a peu à peu changé la donne. «L’arrivée des touristes s’est toutefois faite de façon assez lente pour être bien assimilée. Le respect pour les gens de la terre a toujours prédominé. Et continuer de le cultiver ne peut que profiter à l’essor de la région.» Au-dehors, le Pic-­Chaussy est rayonnant sous le soleil. Mais l’après-midi est déjà bien avancé et pour boucler notre grande traversée, il est temps de descendre… vers le Pays-d’Enhaut.

Denyse Raymond

Denyse Raymond est née il y a tout juste septante ans aux Mosses. Après une maturité commerciale et six mois passés en Angleterre, elle entame des études à l’Université de Lausanne, où elle obtient une licence en histoire de l’art en 1975. Spécialiste de l’architecture et de la vie paysannes des Préalpes, du Chablais et de Lavaux, elle a contribué au recensement des bâtiments ruraux historiques de ces régions et leur a consacré plusieurs ouvrages qui font référence.

PATRIMOINE DE HAUT VOL

Mettre en valeur et faire mieux connaître les traditions locales: voilà bien une démarche à laquelle le syndic de ­Château-d’Œx adhère pleinement. «L’avenir de nos communes alpines dépend en grande partie du tourisme, qui est désormais largement axé sur l’authenticité. On a donc tout ici pour bien faire. Un patrimoine bâti remarquable. Des produits du terroir réputés loin à la ronde. Et un artisanat très prisé!» C’est évidemment au papier découpé que fait référence Charles-André Ramseier. Et de préciser que l’actuel Musée du Pays-d’Enhaut, qui expose régulièrement des découpages contemporains, devrait être agrandi d’ici trois ans pour devenir le centre suisse de cet art. Autre atout de ces  illages de montagne: la nature et le paysage, propices au ressourcement et aux loisirs. Des attraits qui doivent dés­ormais se déployer sur les quatre saisons. «On a historiquement beaucoup misé sur l’hiver et le ski de piste. Mais cette époque est en passe d’être révolue. Après le projet Alpes vaudoises 2020 se profile déjà celui de 2035. Et là, il faudra d’autant plus tenir compte des changements du climat!» Les caprices du ciel, Charles-André Ramseier a l’habitude d’y prêter attention. Aérostier passionné, créateur du festival des ballons de Château-d’Œx, il a survolé maintes fois la région. D’en haut, on doit forcément avoir une bonne vue d’ensemble de la situation, non? Si la question le fait sourire, sa réponse ne laisse planer aucun doute: «Un vent de renouveau souffle sur nos Alpes: à nous tous de savoir le capter!»

Charles-André Ramseier

Syndic de Château-­d’Œx depuis sept ans, Charles-André Ramseier (68 ans) passera le témoin cet été. Fils d’une famille de fromagers du Nord vaudois, ce féru de montagne a été prof de ski dans le Colorado (USA) avant de revenir en Suisse et de faire carrière dans le tourisme, d’abord au niveau régional – au Pays-d’Enhaut –, puis cantonal et national. Membre de la Communauté d’intérêt touristique des Alpes vaudoises, il œuvre aussi comme expert bénévole pour l’Aide suisse aux montagnards.

TEXTE: CÉLINE PRIOR
PHOTOS: CLÉMENT GRANDJEAN, OLIVIER MAIRE ET MATHIEU ROD