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LES ARBRES, STARS DU JARDIN


Ce vieux pommier à la silhouette tortueuse, ce cerisier qui fournit le gîte et le couvert aux oiseaux de passage, ce cognassier dont les fruits révèlent leur douceur à qui s’armera de patience… Plantés en verger ou isolés, soigneusement entretenus ou un peu oubliés, les fruitiers donnent du relief à un coin de verdure. Bienvenue dans leur monde.

«En croquant dans un fruit, on peut retrouver un souvenir d’enfance»

Fervent défenseur des vergers, le botaniste neuchâtelois Philippe Küpfer milite pour la sauvegarde du patrimoine fruitier de Suisse romande au sein de Rétropomme. L’association qu’il préside met en valeur les anciennes variétés, afin de garantir aux générations futures un large éventail de fruits aux saveurs, aux formes et aux couleurs variées, enchantant aussi bien les papilles que les mirettes.

Depuis près de quarante ans, Rétropomme vient à la rescousse des vergers de Romandie. Pourquoi l’association a-t-elle choisi ce combat?

Quand elle a été créée, en 1987, les vergers étaient en train de disparaître. En trente ans, la Suisse a perdu les deux tiers de la surface qui leur était dévolue. Au fil des années, les espaces destinés aux fruitiers dans les villes et les villages sont devenus des réserves de terrains à bâtir. On ne s’en préoccupait même plus. Or en les détruisant, on a perdu de nombreuses variétés de fruits dont on avait souvent oublié ne serait-ce que le nom. Aujourd’hui encore, beaucoup de vergers sont laissés à l’abandon, leurs propriétaires ne prenant plus la peine d’effectuer la cueillette ou la taille par manque de temps, de compétences ou d’intérêt. Il existe bien des lois pour protéger des arbres remarquables, mais aucune pour sauvegarder les vergers, même s’ils sont irremplaçables du point de vue paysager et de la biodiversité.

 

Comment avez-vous procédé pour préserver ces fruits rares?

Les membres de Rétropomme ont commencé à en prélever çà et là, mais aussi à récolter des pépins de pommes ou de poires dignes d’intérêt. Cela a abouti à une large prospection sur le terrain, dans toute la Suisse romande, ainsi que dans les archives afin d’inventorier près d’un millier de variétés menacées. Parfois, les pommes portent un nom différent selon la zone dans laquelle elles poussent, alors qu’il s’agit en réalité de la même variété, ce que l’on peut désormais vérifier grâce à des analyses génétiques. Notre mission continue, on garde toujours un oeil sur les arbres que l’on voit où que l’on se trouve. Des particuliers nous demandent d’ailleurs parfois comment s’appellent des fruits poussant chez eux, ce qui nous permet d’enrichir nos connaissances et nos collections.

 

«Les hautes tiges favorisent la biodiversité: leurs fleurs sont prisées des pollinisateurs, et les cavités de leurs troncs appréciées des oiseaux et des petits mammifères.»

 

Vous avez également créé des vergers. Est-ce le meilleur moyen de mettre ces variétés en lieu sûr?

Oui. Ces conservatoires nous ont permis d’assurer la pérennité de plus de 600 sortes de poiriers, de pommiers, de pruniers et de cerisiers surtout, des essences spécifiques comme la pomme fraise de Provence (VD), la cerise guinde noire de Cheyres (FR) ou encore la prune reine-claude blanche de Saxonne (VS). On a greffé les variétés souhaitées notamment à Pierre-à-Bot, sur les hauts de Neuchâtel. On étudie ces fruits du point de vue morphologique, agronomique et organoleptique afin d’établir des fiches que l’on mettra à disposition du public. On espère ainsi sensibiliser les propriétaires d’arbres à l’importance qu’ils peuvent avoir.

 

Rétropomme organise en outre des cours et des ateliers destinés notamment aux enfants. Comment sensibiliser le jeune public?

On essaie de redonner le goût des fruits aux écoliers afin d’éviter que des coutumes, des recettes, voire des saveurs, disparaissent de la mémoire collective. On leur fait découvrir des variétés que l’on ne trouve pas dans le commerce. Ils apprennent, par exemple, ce que signifie l’astringence, qu’ils confondent souvent avec l’amertume. C’est rigolo de voir qu’à la fin d’un atelier, on arrive à se mettre d’accord sur ce qui définit un bon fruit à couteau, c’est-à-dire à déguster cru. Mais quand vient le moment d’en prendre un à emporter à la maison, les enfants optent systématiquement pour le plus rouge du lot, même si on leur a démontré qu’il ne s’agissait pas du plus savoureux.

 

Comment expliquer cela?

Actuellement, dans les supermarchés, on choisit un fruit qui nous plaît plutôt que celui dont le nom nous renvoie en enfance. On l’oublie d’ailleurs rapidement, alors que des saveurs de notre jeunesse restent souvent en mémoire. Il n’est pas rare que des personnes venant déguster nos variétés lors de nos manifestations se remémorent d’un coup, en croquant dans une pomme, de jolis souvenirs. Les goûts ont beaucoup changé, comme notre rapport aux fruits d’ailleurs.

 

 

 

Avez-vous un exemple en tête?
Je me rappelle qu’à Colombier (NE), où j’ai grandi, mes parents pouvaient louer un des noyers de la commune. Ces arbres appartenaient à l’armée, qui utilisait leur bois pour façonner les crosses des fusils. Le temps d’une saison, on pouvait récolter les noix en échange de quelques sous. Je les décelais dans l’herbe haute avec mes pieds, en chaussettes. Ces noix avaient de la valeur! Aujourd’hui, presque personne ne se baisse pour les ramasser, même si elles sont tombées sur un trottoir. La plupart de ces noyers ont d’ailleurs été abattus.

 

«Autrefois, on plantait un arbre afin que son bois serve à construire les meubles pour ses petits-enfants, des décennies plus tard.»

 

En plus de leur intérêt patrimonial, ces vergers à hautes tiges s’avèrent prisés par la faune. Comment expliquez-vous cela?
Contrairement aux basses tiges, plus prolifiques et utilisés en culture intensive, les hautes tiges prennent le temps de pousser, ne donnant des fruits que trois ans après leur plantation au mieux. En attendant, leur fl oraison abondante favorise la venue d’in- sectes pollinisateurs. Leur développement facilite également l’apparition de cavités dans les troncs, très appréciées par de nombreuses espèces d’oiseaux et de petits mammifères. On ajoute d’ailleurs souvent des nichoirs dans nos vergers, afin de les rendre le plus accueillants possible. À la Grande Béroche (NE), par exemple, on a planté des essences locales en prenant en compte le terrain, aride ou très humide selon les endroits. On a même décidé de mettre moins d’arbres afin de privilégier la pousse d’orchidées très rares en ce lieu. Comme ces vergers n’ont pas un but purement productif, la nature peut s’y développer facilement.

 

Ces vieux fruitiers sont-ils plus robustes que leurs homologues récents?

Non, ils ne sont pas nécessairement plus résistants, même si on les cultivait autrefois sans pesticides. Comme ces variétés ont peu fait l’objet d’études agronomiques, contrairement à celles qui sont commerciales, on connaît mal leur comportement face aux différentes maladies et ravageurs, ainsi qu’au changement climatique.

 

En quoi notre rapport aux arbres a-t-il changé?
Aujourd’hui, ils n’ont plus autant de valeur. On arrache parfois ceux à basse tige d’une année à l’autre pour planter une nouvelle variété davantage tendance. Les hautes tiges peuvent, en revanche, devenir centenaires. Autrefois, les grands-parents plantaient un noyer afin que son bois serve à la construction des meubles de la chambre de leur futur petit-enfant. On pensait sur le très long terme, on anticipait. Le bois et son façonnage avaient de la valeur, ce qui n’est plus le cas de nos jours. Peut-être que cela changera à l’avenir, d’où l’importance de conserver ces essences remarquables.

BOTANISTE ENGAGÉ

Jusqu’en 2008, Philippe Küpfer a travaillé comme professeur à l’Université de Neuchâtel, où il a dirigé l’Institut de botanique entre 1993 et 1996. Le Neuchâtelois a également présidé la Société suisse de botanique. Parcourant les montagnes des Alpes à la Méditerranée à la recherche de végétaux rares ou endémiques pendant des années, l’actuel président de Rétropomme fut l’un des premiers scientifiques, dans notre pays, à utiliser des méthodes moléculaires afin d’affiner la classification des espèces végétales. Il a consacré une partie de ses études aux gentianes, des fleurs présentes à de nombreux endroits du globe, qu’il apprécie particulièrement.

 

Des propos recueillis par Céline Duruz

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