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LE VAL POSCHIAVO, PAYS DU BIO


La petite vallée italophone des Grisons est en passe de réaliser une première dans notre pays: 100% de ses exploitations agricoles seront bientôt certifiées par Bio Suisse. L’intégralité des matières agricoles produites dans la région est déjà valorisée localement, grâce à la création de filières courtes.

Le Val Poschiavo est une Suisse en miniature où l’on passe en quelques kilomètres d’un climat quasi méditerranéen aux rigueurs des Alpes. Des oliviers en terrasses aux mayens suspendus dans d’abruptes pentes surplombées par les neiges éternelles, il n’y a qu’un pas – vingt minutes de trajet à peine – qu’on franchit en longeant le Poschiavino, la bouillonnante rivière où tombent littéralement les deux pans de montagne délimitant la vallée.

LES CÉRÉALES SONT DE RETOUR

Non loin du torrent, dans le petit hameau de Le Prese, Rosalie Aebi observe ses épis d’épeautre qui jaunissent lentement en ce mois d’août. À 1000 mètres d’altitude, elle consacre un des onze hectares que compte sa ferme bio à la production de céréales. Un vrai challenge agronomique dans cette région aux sols peu riches, où les hivers peuvent être très rudes, et où les précipitations n’excèdent pas 600 mm par année. «Il y a toujours eu des grandes cultures dans le Val Poschiavo, et ce jusqu’aux années 1960, raconte la jeune agronome d’origine jurassienne. Si nous avons dû racheter des machines pour relancer les grandes cultures, le savoir-faire et l’envie étaient toujours bien présents chez tous les paysans de la vallée.» En 2017, Rosalie Aebi a en effet convaincu une dizaine de producteurs de créer une coopérative visant à valoriser localement les récoltes. Désormais, une quinzaine d’hectares de seigle, épeautre, orge perlé, blé panifiable et sarrasin, tous certifiés bio, sont cultivés, moissonnés et transformés autour de Poschiavo. «Le blé et l’épeautre sont livrés aux boulangers, qui fabriquent toutes sortes de pains ainsi que de la brasciadela, ce pain de seigle traditionnel en forme de couronne», détaille Rosalie Aebi. L’orge perlé est destiné aux potages et le sarrasin aux pizzocheris, spécialité traditionnelle du Val Poschiavo et des Grisons, que l’on trouve à la carte des restaurants ainsi que dans les épiceries de la vallée. «Les pratiques agronomiques biologiques s’inscrivent parfaitement dans notre contexte pédoclimatique et correspondent à notre approche relativement extensive de la production agricole: ici, on vit avec la nature et on prend ce qu’elle veut bien nous donner», résume la jeune responsable de la coopérative, qui envisage à moyen terme la création d’un centre de tri ainsi que d’un séchoir pour livrer une marchandise de meilleure qualité. «La prochaine étape du développement de mon exploitation sera la culture maraîchère», poursuit, enthousiaste, Rosalie en désignant au loin quelques lignes d’asperges vertes.

Grâce à Rosalie Aebi, à la tête d’une coopérative de producteurs, les céréales poussent à nouveau dans le Val Poschiavo, pour le plus grand bonheur des boulangers et restaurateurs de la vallée.

À San Carlo, Toni Giacomelli transforme un million de litres de lait par année en différentes spécialités. Sa fromagerie, qui collecte le lait d’une quinzaine de producteurs bio, fut la première à être certifiée Bourgeon en Suisse, dans les années 1980.

 

 

LE PARADIS DES SIMPLES

En poursuivant la route en direction du lac de Poschiavo, on aperçoit justement des parcelles de légumes, dont la production a été dopée ces dernières années par la demande de l’hôtellerie et de la restauration. Mais ce sont plutôt les couleurs chatoyantes des parcelles de calendula, lavande et bleuet qui attirent l’oeil et font systématiquement ralentir les cyclotouristes. Ce matin-là, la récolte de fleurs de monarde occupe Elmo Zanetti et Alice Raselli, les deux producteurs associés aux commandes de la ferme Al Canton. «Le temps presse, de nouveaux orages sont annoncés pour la fin de matinée et l’humidité affecte la qualité des fleurs destinées à la production d’infusions», confie Elmo, qui travaille depuis plus de trente ans ses cinq hectares d’herbes aromatiques selon les préceptes de l’agriculture biologique. «C’est une évidence agronomique: on ne peut décemment pas traiter avec de la chimie des plantes destinées à être infusées.» La région, très ensoleillée et peu arrosée, est propice à la culture de simples. «À 1000 mètres d’altitude, les temps de croissance sont plus longs qu’en plaine, les arômes développés par les plantes sont plus complexes et plus riches.» Menthe, thym, verveine, lavande, bleuet, calendula… De mai à octobre, Elmo, Alice et leur équipe récoltent manuellement et sèchent, avec de l’air chauffé à l’énergie solaire, des dizaines de sacs de fleurs et de feuilles, qui seront triées et mises en sachets pendant l’hiver.

 

«Ici, on vit avec la nature et on prend ce qu’elle veut bien nous donner.» Rosalie Aebi, agricultrice

LA VALLÉE JOUE LE JEU

Si l’on retrouve la marque Al Canton, créée par Elmo il y a plus de vingt ans, dans les rayons des grandes surfaces de Suisse orientale, 10% des volumes produits sont consommés directement dans la région. «Les 4500 habitants du Val Poschiavo jouent le jeu du local», apprécie celui qui valorise également sa production grâce aux milliers de touristes qui traversent ou séjournent dans la vallée chaque année. «La région affiche 100 000 nuitées annuelles grâce à ses hôtels, campings, gîtes et maisons de vacances», précise Kaspar Howald, responsable de l’Office du tourisme du Val Poschiavo. La diversité de la production locale – plantes, céréales, produits laitiers et carnés, fruits – est une aubaine pour cette petite vallée. Il y a cinq ans, elle a d’ailleurs permis, sous l’impulsion des acteurs touristiques et gastronomiques, la création d’une marque propre, «100% Valposchiavo», qui compte désormais plus de 150 produits issus de matières premières bio, locales et transformées sur place. Parmi eux, il y a les pâtes et les biscuits de Giovanna Tosio, pâtissière à Poschiavo, qui s’est récemment lancée dans la production d’une gamme de raviolis «100% Valposchiavo». Viande, farine, oeufs, herbes, fromages, légumes, mais aussi châtaignes et pommes de terre: c’est en se basant sur les ingrédients qu’elle a pu dénicher autour de chez elle que Giovanna et ses partenaires Davide et Sandro ont élaboré leurs recettes. «La vente de raviolis représente désormais 20% de mon chiffre d’affaires», confie l’artisane qui fournit une dizaine de restaurants et de magasins dans toute l’Engadine.

 

«Les hôtels de la vallée proposent désormais des jus de fruits locaux à la place du jus d’orange. C’est une opportunité pour mon exploitation.» Nicolò Paganini, agriculteur

COUP DE POUCE BIENVENU

«Dès 2015, nous avons convaincu une douzaine de restaurants de la région de signer une charte et de proposer à leur carte au minimum trois plats fabriqués à base de matières premières locales», explique Francesco Vassella. Le quadragénaire coordonne le Plan de développement régional (PDR) «100 % (bio) Valposchiavo» dont bénéficie la région depuis 2020. Cofinancé par l’Office fédéral de l’agriculture et le Canton des Grisons, le projet regroupe les forces des associations paysannes de Brusio et de Poschiavo, de l’interprofession du Val Poschiavo et du syndicat d’initiative local. «Les objectifs d’ici 2026 sont clairs: 100 % des surfaces agricoles doivent répondre aux directives de Bio Suisse», précise Francesco Vassella. Un pari tout à fait réaliste puisque depuis les années 2000, la proportion dépasse déjà allègrement les 90%. «Il y a une vraie culture du bio dans la région depuis plus de trente ans», reconnaît Kaspar Howald. Cette particularité unique en Suisse doit beaucoup à un fromager qui, dans les années 1980, fut le premier du pays à opérer le virage du bio, entraînant à sa suite tous les producteurs de lait de la vallée. «Et comme pratiquement aucun engrais chimique n’est utilisé dans notre région de montagne, la reconversion n’a pas posé de problème aux agriculteurs.»

LOCAL, DU PETIT-DÉJ’ À LA PIZZA

Ce processus, Nicolò Paganini est l’un des derniers producteurs à l’avoir entamé. À Campascio, un des derniers villages avant la Valteline italienne qui culmine à 600 mètres d’altitude, poussent kiwis, kakis, châtaigniers et oliviers. «Le climat m’a incité à me lancer dans la production de petits fruits, raconte le producteur qui cultive une dizaine d’hectares de framboisiers, mûriers et myrtilliers sur une septantaine de parcelles en terrasses. Nos sols caillouteux, légers, la disposition de nos terrains et la présence d’un courant d’air permanent forment un contexte idéal pour la culture de baies.» Reste que leur culture en bio représente un défi. «On y arrive progressivement, via l’installation de tunnels de protection contre les champignons, et l’introduction de méthodes alternatives de désherbage.» Nicolò Paganini le reconnaît volontiers, le développement agritouristique et le lancement du PDR sont de précieuses sources de motivation pour lui. «Désormais, les hôtels de la région proposent des jus de fruits locaux à la place des jus d’orange pour le déjeuner. C’est une réelle opportunité pour mon exploitation», explique celui qui transforme un bon tiers de sa production annuelle de fruits. «D’ailleurs, nous cultivons désormais des tomates, pour répondre à la demande de restaurants qui souhaitent proposer des pizzas 100% Valposchiavo et qui ont besoin de sauce produite localement!» Création d’un abattoir et d’une boucherie, encouragement aux particuliers à se passer des produits de synthèse dans leurs jardins, d’autres projets sont en gestation dans cette petite vallée qui voit grand. En devenant la première région 100% bio du pays, le Val Poschiavo confirmerait son statut de pionnier: «Les Poschiavinis sont des gens attachés à leur paysage et à leurs terres, très ouverts et dynamiques, dit Kaspar Howald. Le passage au 100% bio nous fera non seulement gagner en qualité de vie, mais permettra aussi créer des places de travail et de maintenir notre attrait touristique.» Et qui sait, peut-être cette petite vallée grisonne deviendra-t-elle un exemple à suivre pour le pays. «Par cette initiative, le Val Poschiavo montre qu’il est possible d’atteindre l’objectif du 100% biologique, note Lukas Inderfurth, responsable de la communication de Bio Suisse. Une vallée, puis un canton (les Grisons comptent déjà 60% d’exploitations biologiques, ndlr)… Pourquoi pas la Suisse entière?»

+ D’INFOS www.valposchiavo.ch

 

Claire Muller