En bref

Partage de cultures dans un même potager

En bref

Dossier

Interview de Philippe Küpfer, président de Rétropomme

Dossier

Dossier

Dans la taille, la recherche de la lumière prime sur l’esthétique

Dossier

Dossier

Gros plan sur les pommes et les poires d’antan

Dossier

Cahier spécial : L’univers FELCO

Qualité suisse et durabilité: bienvenue dans l’univers FELCO

Cahier spécial : L’univers FELCO

Les outils FELCO

Éditions spéciales et outils de taille

Les outils FELCO

Les outils FELCO

Sécateurs, jardinage et entretien

Les outils FELCO

Portraits

Portraits Fleuris

Portraits

Portraits

Portraits Fleuris

Portraits

Pratique

Comment conserver vos fruits

Pratique

Pratique

Tout savoir sur le marcottage et le lombricompostage

Pratique

Shopping

Notre sélection d’outils pour profiter de votre jardin

Shopping

Livres

Cultiver ses connaissances

Livres

Calendrier

Les rendez-vous à ne pas rater

Calendrier

Dossier

Dans la taille, la recherche de la lumière prime sur l’esthétique


Sur un arbre fruitier haute tige ou mi-tige, la taille doit accompagner la capacité spontanée de la plante à optimiser l’accès de ses feuilles à l’énergie solaire, rappelle le spécialiste Bernard Messerli. Ce qui s’éloigne des formes élaborées historiques, où la recherche de l’apparence s’est longtemps faite sans trop se soucier de la structure naturelle des arbres.

Hautes tiges, basses tiges, espaliers, palmettes, cordons… Dans les vergers ou les jardins, les fruitiers ont adopté une insolite variété de formes au cours des siècles. Parmi les plus sophistiquées et les plus éloignées de la silhouette naturelle de l’arbre, beaucoup, tels les candélabres aux ramures présentant une insolite géométrie rectiligne, ne se rencontrent plus guère que dans les jardins-musées – ou nichées contre les murs antiques de vieilles demeures. Quant aux formes plus traditionnelles – essentiellement celles dites «libres de plein vent», soit les hautes tiges ou mi-tiges –, après avoir constitué la norme pour les cultivateurs helvétiques de pommes ou de poires, elles se sont vues reléguées au rang de témoins vivants d’un temps où l’arboriculture n’avait pas entrepris de se rationaliser à l’extrême en densifiant leurs ramures dans des rangées quasiment bidimensionnelles, maintenues à hauteur humaine afin de faciliter la récolte.
Tous ces galbes, y compris ceux qui semblent ne rien devoir à la main de l’homme et tout à l’action de la nature, racontent pourtant, chacun à sa manière, la même histoire: celle de patients efforts déployés pour équilibrer croissance (pousses) et développement (fleurs/fruits).

DEUX SYSTÈMES PERFORMANTS

 

Grosso modo, les fruitiers de forme libre de plein vent – soit les hautes tiges et les mi-tiges – adoptent durant leur prime jeunesse deux systèmes performants de disposition des feuilles. La phase de croissance, dite d’exploration, se caractérise par une phyllotaxie radiale (en rayons) spiralée, autour d’une tige poussant à la verticale. Dans un élan irrésistible. «La tige supérieure est souvent perçue comme trop longue, alors que c’est sa tendance naturelle, note Bernard Messerli. Mais si on l’écime, l’arbre va rester en phase végétative… et tenter de compenser la perte de sa sommité en reportant l’élan sur les rameaux latéraux, qui peuvent devenir deux fois plus longs que ne l’aurait été son extrémité naturelle.» Autre erreur fréquemment commise, relève le spécialiste, la coupe excessive des feuilles émanant de la zone de production qui surmonte, sur la tige, la zone de réserve (capable de fournir des rameaux en cas de nécessité vitale). Or, «ôter ces feuilles va contrarier l’apport des sucres, qui permettent la mise en route de rameaux fructifères». Si tout va bien, «la phase d’exploration va aboutir à la formation d’éléments d’exploitation, non plus végétatifs, mais génératifs, des brindilles capables de fournir des fleurs. Branches et rameaux seront désormais hiérarchisés par ordre de grandeur, courts et légers aux extrémités de leurs supports, gros et forts à leur base – un peu comme les tuyaux d’un orgue, explique Bernard Messerli. Dès la fin du premier été du jeune arbre, on voit des rameaux porter de cinq à quinze boutons floraux qui pourront éclore au printemps suivant. Pollinisés, ils se transformeront en fruits – un taux de 15% de fécondation suffit pour obtenir une récolte considérée comme magnifique.» Du tronc partent d’abord les plus importants, les «charpentières»; si un gourmand pousse à l’extrémité d’une de celles-ci, leur accès à la lumière va être contrarié – ce qui ne sera pas le cas s’il croît au début d’une de ces grosses branches. «On peut le laisser, mais en l’aidant à pousser à 45° pour qu’il se concentre sur la production de fleurs, indique l’arboriculteur. Et pour favoriser cette croissance, on recommande de maintenir un espace de 30 cm environ entre deux rameaux, de façon à ce que leurs feuilles ne se fassent pas mutuellement concurrence dans leur quête de lumière.»

ACCOMPAGNER LA PLANTE…

 

Paysagiste, arboriculteur et horticulteur, Bernard Messerli s’est fait un nom parmi les professionnels et les amateurs d’arbres grâce à une vaste expérience reconnue à l’international. Aujourd’hui retraité, il n’en continue pas moins de proposer aux particuliers des cours de taille des fruitiers, comme il le fait depuis quatre décennies. Bernard Messerli est cependant très loin d’un apôtre de la taille à tout va. Au contraire, souligne-t-il, «les arbres ne sont pas idiots: les ancêtres de nos pommiers actuels, pour ne prendre que leur exemple, se sont très bien débrouillés durant 65 millions d’années sans sécateur, scie ou tronçonneuse pour grandir, vivre et se reproduire.»
Jouer de ces instruments ne vise qu’un seul objectif, poursuit notre «philosophe de la taille»: accompagner une plante sortie de son environnement naturel – c’est le cas de nombreux fruitiers, tels les cerisiers ou les pommiers, à l’origine des espèces typiques des zones de lisières – dans l’organisation de sa pousse, laquelle est basée sur la fonctionnalité énergétique et l’accès à la lumière. «Un arbre dispose ses feuilles, qu’on peut considérer comme des capteurs solaires, de la façon la plus apte à la fabrication de carbone grâce au soleil et à l’apport d’eau par ses canaux internes, explique Bernard Messerli. Afin de reproduire cette organisation naturelle, il faut être en mesure de comprendre cette logique. La taille ne vise en effet qu’à optimiser ce rendement, en palliant éventuellement les inévitables défauts qui peuvent apparaître.»

 

«Les arbres ne sont pas idiots: les ancêtres de nos pommiers se sont très bien débrouillés durant 65 millions d’années sans sécateur, scie ou tronçonneuse.»

 

… ET SAVOIR LA LIRE

En grandissant, hautes tiges et mi-tiges adoptent successivement deux systèmes naturellement performants, la disposition radiale en spirale et la hiérarchie par grandeur de rameaux, poursuit le spécialiste (lire l’encadré). Une dynamique qu’il s’agit de bien comprendre. «Beaucoup de gens coupent… mais très peu taillent! Or, le tailleur doit s’employer à savoir «lire» l’arbre plutôt que d’appliquer un schéma, prévient-il. On ne cherche pas la perfection, mais à reproduire la dynamique opportuniste de la nature.»

 

Des propos recueillis par Blaise Guignard

 

+ D’INFOS www.taille-fruitiere.ch

 

FORME, STRUCTURE ET IDÉES REÇUES

 

«Le problème le plus fréquent de la taille fruitière reste la tentation de la «platanisation», soit de favoriser une couronne trop chargée en charpentières se faisant mutuellement obstacle», regrette Bernard Messerli. Une erreur qui trouve son origine dans une vision fantasmée de l’arbre dont la «forme» serait naturellement sphérique – avec ses fruits répartis comme sur un dessin d’enfant. «Or, il n’a pas de forme, mais une structure. Cette idée reçue s’enracine aussi dans l’art topiaire, et elle est à l’origine des espaliers et autres candélabres, avec un arbre rationalisé, à portée de main, économisant l’espace disponible – au prix d’une maîtrise extrêmement rigoureuse de sa croissance. Là, on peut réellement parler de forme.» L’esthétique tient également une place centrale dans ce modèle. La taille en espalier et ses diverses déclinaisons, déjà connue au Moyen Âge – voire vraisemblablement dans l’Antiquité –, vont devenir très tendance dès le XVIIIe siècle dans les jardins des châteaux et des monastères. Avocat, agronome et jardinier au service de Louis XIV, Jean-Baptiste de La Quintinie contribuera à cette vogue en travaillant notamment sur l’acclimatation des figuiers, les essais de variétés et d’espèces nouvelles pour la région – tout en menant moult expériences sur le greffage ou la culture des pois.