Dossier
VIANDE DE BOEUF: DES LABELS POUR TOUS LES GOÛTS
Natura-Beef, IP-Suisse, Demeter, KAGfreiland, Simmentaler Original, Swiss Black Angus, Fleur d’Hérens… Une dizaine de labels différents existent sur le marché du boeuf suisse. Comment s’y retrouver dans cette jungle? Tour d’horizon pour vous aider à faire votre choix.
Bien-être, durabilité, qualité: l’élevage bovin toujours plus labellisé
Certains labels existent depuis près d’un siècle alors que d’autres viennent d’arriver sur le marché. Bovins élevés dans les pâturages, issus d’une race en particulier ou provenant d’une région précise: voici quelques pistes pour acheter sa viande de boeuf en toute connaissance de cause.
Il y a le Natura-Beef, le boeuf IP-Suisse ou celui élevé selon les normes Demeter ou KAGfreiland, sans parler des bêtes estampillées Limousin Regional ou Swiss Black Angus: il existe aujourd’hui pléthore de labels décernés à la viande de boeuf, de quoi désarçonner le consommateur voulant réaliser ses achats en fonction de ses convictions. Veut-il privilégier le bien-être animal, la qualité de la viande ou la survie d’une race en particulier? Par son choix, le client peut influencer toute une filière. Conscients de cette opportunité, les éleveurs se sont ainsi rapidement unis pour défendre leur métier grâce à ces différents logos.
Les premiers labels appliqués à la viande de boeuf ont été conçus il y a près d’un siècle, comme celui de Demeter, dont le nom orne les produits en biodynamie depuis 1928. Dans les années 1950, l’organisation de protection des animaux de rente KAGfreiland fonde également le sien pour tenter d’améliorer le sort des bêtes dans les élevages. Depuis, 110 paysans se sont ralliés au mouvement lancé par Lea Hürlimann. Les labels se sont ensuite multipliés, certains connaissant un énorme succès comme celui de Vache mère Suisse.
UNE ÉTIQUETTE À SUCCÈS
En 1977, les détenteurs de vaches allaitantes étaient encore rares dans le pays et la création de Natura-Beef a aidé à faire connaître ce mode de détention, respectueux de l’animal. Ils ont décidé de s’allier avec la Coop, Vianco et Viegut pour instaurer une filière spécifique. Ils peuvent toutefois écouler une partie de leur production en vente directe en utilisant cette marque, un canal leur permettant de garder d’excellents contacts avec leur clientèle.
«Plus de 4400 exploitations en font partie, détaille Mathilde Hans-Moevi, responsable de la production des labels pour Natura- Beef. Aujourd’hui, près de 40% de la viande de boeuf produite en Suisse est issue de labels et la demande ne cesse de croître.» Ce potentiel de développement encourage l’émergence de nouvelles distinctions, plus ciblées encore.
JUSQU’AU BOUT DES CORNES
On peut choisir d’acheter un steak de vaches à cornes, estampillé HornLabel. On peut également opter pour une entrecôte d’une race en particulier, comme celle d’Hérens. Fondé en 2010, l’étiquette Fleur d’Hérens réunit aujourd’hui plus de 200 éleveurs. Elle garantit que les bêtes sont nées en Valais, ont pâturé en montagne et ont essentiellement consommé du foin pendant l’hiver. Cette marque va même plus loin, en précisant que l’abattage a lieu dans ce canton, dans le respect de la loi sur la protection des animaux. Des dizaines de restaurateurs ont adhéré à la démarche.
En redonnant les lettres de noblesse à cette race emblématique du Vieux-Pays, les éleveurs espèrent susciter de nouvelles vocations, l’effectif de la petite vache noire ne faisant que fondre.La promotion d’une race est aussi l’élément fédérateur de la marque lancée par le club Swiss Limousin il y a deux ans. Son but? Favoriser le circuit court entre le producteur et le boucher, en se passant d’intermédiaire. Cette start-up, regroupant 20 éleveurs, a recours à une plateforme numérique pour faciliter l’organisation et la coordination de la production, de l’écurie à l’étal. Tous deux définissent combien d’animaux par année sont livrables ainsi que le poids de carcasse souhaité, gardant ainsi un contrôle total sur la filière. «Ce modèle permet de plus de conserver un savoir- faire artisanal», estime leur représentante Sophie Kunz.
QUESTIONS À REBECCA EGGENBERGER, SPÉCIALISTE ALIMENTATION À LA FÉDÉRATION ROMANDE DES CONSOMMATEURS
Créer un label pour écouler sa viande, est-ce une bonne idée?
La FRC favorise les circuits courts et une production la plus proche et respectueuse possible de la nature. Des labels remplissent ces conditions et ils peuvent constituer une aide à l’achat précieuse pour le consommateur. Toutefois, la FRC n’est pas favorable à leur démultiplication, mieux vaut renforcer les exigences des cahiers de charges de labels déjà existants. Leur présence offre une plus-value, mais ne doit en aucun cas remplacer la lecture de l’étiquetage.
En quoi la profusion de labels est-elle néfaste pour le consommateur?
Il est fondamental de lui fournir des informations claires et transparentes, comme la provenance et les modes de production de la viande. Malheureusement, le nombre trop important de labels peut conduire à une confusion et dès lors rater son objectif. Connaître les exigences des cahiers des charges des différents labels est impossible et nécessite des recherches.
Quelle mention peut s’avérer problématique?
Un label régional, par exemple, implique une idée de proximité et de savoir-faire artisanal. Mais les notions de distance et de production peuvent être sujettes à interprétation. On a évalué les labels régionaux des distributeurs et constaté que les cahiers des charges différaient grandement d’une enseigne à l’autre. De quoi ajouter de la confusion pour le consommateur.
EFFECTIF EN HAUSSE
En 2018, la marque Simmentaler original a rejoint le mouvement. Quelque 300 éleveurs, sur les 1000 que compte le pays, arborent aujourd’hui ce label. «D’ici à 2030, on veut que le cheptel actuel de 21 000 vaches laitières et de 11 500 allaitantes soit doublé, explique son président Josef Dähler. Pour y parvenir, il faut valoriser les produits issus de cette race, c’est-à-dire leur viande, leur lait et, pourquoi pas, leur cuir à l’avenir.» Il peut s’appuyer sur un soutien de taille: plus de 50 millions de simmentals sont élevées à travers le monde. «Cela fait autant d’ambassadeurs acquis à notre cause», conclut-il. Le consommateur a donc, aujourd’hui plus que jamais, toutes les cartes en main pour défendre le type d’élevage qui lui tient le plus à coeur.
CRÉDIBILITÉ PASSÉE AU CRIBLE
En 2018, la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires (HAFL) a réalisé une étude afin de déterminer la crédibilité des labels et la confiance qu’on leur accorde. Il en ressort que certains consommateurs «mangent plus souvent du boeuf suisse labellisé lorsque des normes de production strictes sont respectées en matière de bien-être animal, d’écologie, de détention au pâturage et d’affouragement principalement à l’herbe». Sur le marché, «ils sont prêts à payer davantage pour celui-ci que pour d’autres labels de viande de boeuf», poursuit l’étude. Elle souligne toutefois une disparité de connaissance des labels en fonction des régions linguistiques. Natura-Beef et sa variante Bio sont plus populaires en Suisse alémanique qu’en Romandie, et les labels les plus souvent cités sont ceux des marques rattachées aux grands distributeurs Coop et Migros ou à la production bio.
Céline Duruz