Deux jours, un peu plus de 30 kilomètres, 1800 mètres de dénivelé positif: voilà le menu qui nous attend pour ce périple sur les hauteurs du canton de Vaud puis de celui de Fribourg. Ou vice-versa. De quoi nous encourager à vérifier deux fois plutôt qu’une que nous n’avons pas chargé inutilement nos sacs à dos déjà imposants. Une dernière halte à une fontaine de Château-d’OEx et nous nous mettons en route. Randonner en montagne est une chose. Le faire sur plusieurs jours en est une autre. Pas besoin pour s’en rendre compte de partir plusieurs mois sur le chemin de Saint- Jacques-de-Compostelle: une nuit passée en route suffit déjà à donner un relief différent à l’expérience. Un air d’aventure, d’inconnu, la saveur inimitable de ce que l’on appelle la grande randonnée. La magie de réaliser, pas après pas, que nos jambes peuvent nous mener loin, par-dessus les cols qui sont autant de portes ouvertes sur des univers inconnus. Si en plus la nuit se passe dans une cabane de montagne ou dans un bivouac, c’est la garantie d’avoir des histoires à raconter au moment du retour au bercail.

RANDONNÉE EN 5 ÉTAPES

Pour cette escapade alpine, nous avons jeté notre dévolu sur une portion du chemin des Préalpes fribourgeoises, dont le balisage porte le numéro 78. Un itinéraire qui mène les randonneurs en cinq étapes de Fribourg à Château-d’OEx en passant par le fameux lac Noir (Schwarzsee). Nous en réaliserons deux, dans le sens inverse de la variante officielle. Et pourquoi pas? En consultant la carte, nous savions bien que ce premier jour serait exigeant: 1000 mètres de montée sur les dix premiers kilomètres. Autant dire que le village de Château-d’OEx rétrécit rapidement dans notre dos tandis que nous partons à l’assaut du flanc du Vanil-Noir.

NUIT EN ALTITUDE

Plus nous grimpons et plus le paysage se fait sauvage. Quelques alpages encore, quelques chalets, puis plus que du calcaire et des prairies alpines parsemées de fleurs. Bordé d’une crête effilée, le Vanil-Noir nous domine de toute sa stature. Avec ses 2389 mètres, c’est le sommet le plus haut du canton de Fribourg. Il est aussi au coeur d’une réserve naturelle qui porte son nom, où vivent paisiblement marmottes, bouquetins, vipères aspics et plus de 70 espèces de papillons. Le calcaire nu, parcouru de mille fissures, donne l’impression d’être plus haut que nous le sommes, soit jamais au-dessus de 1900 mètres. Il n’empêche que les jambes sont lourdes tandis que le sentier, enfin plat, semble suivre les courbes de niveau. Au détour d’une crête, une forme claire se détache devant la roche: c’est le toit tavillonné de la cabane des Marindes.

DANS L’OMBRE DES GASTLOSEN

Le réveil a sonné tôt dans le dortoir. Café soluble, épaisses tartines, gourdes remplies de thé chaud et nous voilà repartis. Le vallon qui s’étend entre la Dent-de-Brenleire et le Hochmatt nous donne l’impression d’être revenus à la civilisation, avec ses routes agricoles, ses vaches et ses chalets aux cheminées fumantes. Exit le Vanil- Noir, place à la chaîne des Gastlosen et à sa silhouette finement dentelée. Sous un soleil déjà haut, nous profitons de la fraîcheur des nombreux ruisseaux descendus des reliefs, grimpons dans les pâturages pour atteindre l’imposant Chalet du soldat, cet ancien poste d’instruction militaire où les uniformes gris-vert ont désormais cédé la place aux tenues d’escalade. De là, la descente se fait aisée vers le village de Bellegarde (Jaun) que l’on devine bientôt à l’ombre du Gros-Brun et du Schafberg. En deux jours, nous sommes passés d’un canton à l’autre. Surtout, nous avons goûté à la magie de la grande randonnée.

Clément Grandjean

+ D’INFOS Notre itinéraire: «Chemin des Préalpes fribourgeoises», No 78, étapes 5 et 4, www.schweizmobil.ch/fr